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Conan le Barbare, voyage philosophique d'un surhomme


L'image montre Conan de face, entouré de personnages l'écoutant


Conan le Barbare est un film plus complexe qu’il n’y paraît, n’en déplaisent à tous ses détracteurs qui souhaitent le limiter aux muscles et au cuir.

À travers son apparence brute, le film nous emmène à travers un voyage philosophique ayant pour thème la liberté.


Conan, Création et genèse d’un mythe


Avant de parler du film, penchons nous sur le personnage de Conan.

À l’origine, Conan est un personnage de pulp créé par Robert Howard, auteur de différents personnages ayant marqué l’imaginaire avec notamment Solomon Kane et Kull.  L'auteur américain né en 1906 aura un impact majeur sur un genre alors naissant : la fantaisie. Si le fait d’avoir été publié par Weird Tales, aux côtés de H.P. Lovecraft, lui donnera de la reconnaissance, c’est dans les années 60, soit près de 30 ans après sa mort, que ses histoires obtiennent un bond de popularité, grâce à une jeunesse toujours plus avide de contre-culture. La décennie suivante, une série de comics, se verra même publiée chez Marvel, narrant les histoires du Cimmérien. En outre, la popularité du Barbare provient des prestigieuses illustrations de Frazetta et de plusieurs publications dans Métal Hurlant.

L'image montre une illustration de Frazetta où Conan pulvérise ses ennemis
Conan the Destroyer, de Frank Frazetta



Des nouvelles au film


John Milius se voit proposer de réaliser le film Conan le barbare, après plusieurs années de productions chaotiques. Il acceptera à condition de pouvoir retravailler le scénario de fond en combles, il en profite pour y insérer ses thèmes de prédilections : la violence et la société. C’est ainsi que le réalisateur proposera un scénario original avec certains éléments extraits directement des nouvelles du Cimmérien.

L'image montre John Milius dirigeant Arnold Schwarzenegger
John Milius dirigeant Arnold Schwarzenegger dans le rôle de Conan


Synopsis


Encore enfant, Conan assiste impuissant au massacre de ses parents par le cruel Thulsa Doom, et est réduit en esclavage. Enchaîné à la roue de douleur, il y acquiert une musculature peu commune qui lui permet, adulte, de gagner sa liberté comme lutteur. Désireux d'assouvir sa soif de vengeance, il part accompagné de deux voleurs, Subotai et Valeria, à la recherche de Thulsa Doom…


Un voyage philosophique


Le film s’ouvre sur une citation du philosophe Nietzsche “Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort”, posant ici le thème central de l'oeuvre : la force. Le long métrage reprend la citation au pied de la lettre, faisant progresser le héros principal en surmontant ses échecs jusqu’à atteindre le stade de surhomme.

Le surhomme selon Nietzsche, philosophe allemand du XXe siècle, est un individu parfaitement libre qui n’est plus entravé ni par la norme ni par la morale. Dégagé de tout contrôle, il se place donc au dessus de l’humanité. Dans son célèbre livre Ainsi parla Zarathoustra, Nietzsche explique les différentes étapes qu’un homme doit traverser afin de devenir libre. Toutes ces épreuves sont illustrées dans le film de John Milius.


“L’esprit robuste charge sur lui tous ces fardeaux pesants : tel le chameau qui sitôt chargé se hâte vers le désert, ainsi lui se hâte vers son désert.”


Cette étape se transcrit par le fait d’être servile et docile à des personnes via des “Tu dois”, sans se poser de questions. Étant esclave, Conan ne connaît que trop bien les ordres et la non prise de décisions. Travailler, tuer, se reproduire pour son maître, Conan fait tout cela sans se poser de questions, en apprenant et en se chargeant des valeurs d’autrui.


Cette réplique maintenant devenue culte pour son côté extrême, maintes fois détournées, nous indique au contraire que ce ne sont pas les valeurs de Conan mais celles que son maître lui a inculquées. Le barbare ne faisant que les réciter.

Mais la force de Conan ne cesse de croître, si bien que son maître en sera effrayé, le forçant à le libérer.



“Mais au fond du désert, le plus solitaire s’accomplit la seconde métamorphose : ici l’esprit devient lion, il veut conquérir la liberté et être maître de son propre désert.”

L'image montre Conan, ivre, frappe un chameau
Conan, ivre, frappe un chameau

Conan s’est donc débarrassé du chameau philosophique en n’étant plus soumis à un maître. Il est désormais à la recherche du tueur de sa mère, le lion étant, avant tout, une force d’opposition.

“Il cherche ici son dernier maître : il veut à la fois être l’ennemi de ce maître, comme il est l’ennemi de son dernier dieu ; il veut lutter pour la victoire avec le grand dragon.”
Mais avant d’y parvenir, Conan doit se confronter à la société, cet aspect de la vie que le barbare n’avait jamais connu auparavant. Le mot Barbare prend ici tout son sens, ce dernier pouvant faire allusion à de multiples phénomènes : de l’étranger dans l’Antiquité, à une personne ignorante et violente dans la France des Lumières, un sens en ressort davantage que les autres. Le barbare peut être perçu comme un être positif, la barbarie peut être force régénératrice d’une société décadente de par son impulsion et de sa force brute non pervertie par la civilisation corrompue.

Ce conflit est d’ailleurs mis en exergue à travers la vengeance de Conan vis à vis de Thulsa Doom, Conan représentant la force brute du Barbare et le raffinement machiavélique du Civilisé. Se sentant trop à l’étroit entre les murs d’une cité, il ne doit sa liberté qu’à des grands espaces. Lieu où il est maître de son destin, pouvant même faire face à une armée entière.

C’est d'ailleurs dans ce vaste espace, en préparant son ultime combat que Conan rejettera Crôm, dieu hérité de la tradition de son peuple, faisant  une nouvelle fois écho au surhomme de Nietzsche, indépendant de toute emprise religieuse et sociétale.



Une fois l’armée vaincue, Conan se retrouve devant Thulsa Doom, celui qui, en tuant sa mère et son peuple des années plus tôt, a fait de Conan le Barbare qu’il est devenu. Le Barbare décapite ainsi son créateur, face à tous ses fidèles. Plus qu’une personne, Thulsa Doom avait créé tout un culte autour de sa religion et de sa personne, Conan a tué un Dieu. Le déicide, sans aucune autre contrainte que sa volonté, est à la fois conquérant, roi, ermite.

L'image montre Conan brandissant la tête de Thulsa Doom devant ses fidèles
Conan brandit la tête de Tbhulsa Doom devant ses fidèles
“Dieu est mort”
John Milius a ainsi réussi un tour de force majeure en réussissant à retranscrire via le parcours de Conan l’histoire d’un homme brisé par la civilisation qui cherche à regagner sa liberté.





L'image montre l'affiche du film Conan le Barbare (1982)
Affiche du film Conan le Barbare (1982)

Alexandre Duc
Date de sortie : 1982

Réalisé par : John Milius

Photographie : Duke Callaghan

Avec : Arnold Schwarzenegger, James Earl Jones, Sandahl Bergman...

Genre : Aventure, fantaisie

Score IMDB : 6,9/10